LES MOTS SONT MATIERE...

" Le geste d'écrire est comme celui de poser un doigt sur une dent cariée, en appuyant soudain très fort : la douleur portée à son extrême est aussitôt suivie d'un calme énorme. L'étrange dans cette affaire est que la dent malade est une dent qui manque "
(Christian Bobin, in "L'éloignement du monde").

Vous venez de pénétrer un espace feutré, aux couleurs claires. Aux murs, des grands formats laissant curieusement une large place à l'écrit sur des fonds étonnement colorés. Au delà des thèmes abordés par l'écrit, il s'agit d'aboutir à des œuvres "picturales" où texte et image ne feraient qu'un, n'étant pas que simple juxtaposition, comme on en voit souvent sous forme de poésie illustrée, et parfois avec beaucoup de réussite. Œuvres au départ résolument littéraires, elles en ont gardé les proportions : celles de la traditionnelle feuille de papier A4, en orientation "portrait".  On dirait de grandes feuilles de cahier, ou peut-être les pages démultipliées d'un livre... présentées à la manière d'une toile de peintre, taille XXL. Le fond et la forme s'imbriquent : " spirit " & matière se rejoignent, comme le corps et l'esprit dont nous sommes faits, les textes s'inscrivant dans des fonds issus d'objets ou de matériaux vus à la loupe, entrant ainsi au cœur de la matière. Galets des plages de Magaud, écorces des arbres de Giens, tessons de verre, pains farineux, tissus rugueux, peaux d'orange... Moulinés numériquement, leur matière explose, en couleurs et en textures ! De la poésie ? S'il est une pratique discrète, clandestine presque, en ce début de XXIè siècle, c'est bien celle-ci...  Quoiqu'on puisse conclure du nombre impressionnant de sites Internet plus ou moins heureux qui lui sont consacrés, la poésie reste un mode d'expression confidentiel, et sa rencontre n'est pas chose aisée. Ni graphiste, ni créateur d'affiches, certains me taxent pourtant de "plasticien". Qu'importe le code-barre : j'ai cherché simplement à rendre ma poésie "visuelle", à la rendre plus immédiatement accessible et à retrouver à travers la matière infographiée, un contact tactile, charnel avec le réel, ce dont les mots nous éloignent parfois, ne s'adressant qu'à l'intellect.

La clé d'entrée de cette exposition ? On peut être sensible à l'image d'abord, et ne s'intéresser à l'écrit qu'ensuite. En tout cas nul besoin de  jouer les "penseurs" de Rodin. Ces panneaux s'adressent au coeur, à la sensibilité de tout un chacun plus qu'à la raison. Passez simplement d'un tableau à l'autre, revenez en arrière. Lisez, ne lisez pas. Promenez-vous simplement. Vous reviendra peut-être en tête le thème musical des "Tableaux d'une exposition" de Moussorgski...

Pour en finir,
préciser qu'écrire n'est pas mon métier, mais un chemin obligé dont le parcours ne m'est certainement pas exclusif ; et c'est bien pourquoi j'ai cette prétention d'exposer mon travail de chercheur : partager mes écrits vains n'en serait pas le plus vain mot...

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